14 juillet 2015

2ème ascension : le mont Ijen, un volcan actif aussi mine de soufre

Après avoir vu pour la première fois un volcan actif (le mont Bromo), nous avons cette fois-ci été à la découverte d'un volcan qui héberge en son cratère une mine de soufre encore exploitée. Et si cette expérience ainsi que la beauté des paysages resteront longtemps gravés dans nos mémoires, un sentiment amer y sera aussi associé. Car les mineurs y ont la vie drôlement dure et nous en avons été à la fois des témoins et spectateurs malgré nous.

1h du matin, le réveil sonne. C’est que visiter une mine de soufre se mérite ! Le volcan Ijen n’était qu’à une heure de route de la ville de Banyuwangi, notre point de chute pour le début de la nuit, mais si nous voulions avoir une chance de voir des flammes bleues, il fallait y aller quand il fait nuit noire. Facilement inflammable, les vapeurs émises par le volcan Ijen enflamment par endroit le soufre renfermé dans le cratère. Et quand le soufre brûle, ça donne des grandes flammes bleues qu'il est plus facile de voir de nuit. C’est aussi la nuit que la mine vie le plus, car les mineurs commencent leur journée de travail très tôt. C'est donc de nuit, qu'on se rend mieux compte de la vie quotidienne de ces mineurs.

A 2h30, une fois acquittés des droits d’entrée aux autorités locales (150 000 roupies / pers., soit 10€), nous sommes partie, munis de nos frontales et de masques à gaz,  en direction de la mine, qui se situe à l’intérieur du cratère du volcan Ijen. Avant de l’atteindre, une marche de 3km avec 500 mètres de dénivelé positif nous attendait. C’est aussi le chemin que les mineurs parcourent chaque jour, deux fois par jour. A l’aller à vide, mais au retour avec autour de 70 kg de soufre sur les épaules. C’est le poids minimum à transporter deux fois par jour pour gagner environ 6€ chaque jour. Une misère même en Indonésie. La mine achète en effet les blocs de souffre entre 800 et 1000 roupies le kilo, soit autour de 6 centimes d’euros le kilo…


En chemin, nous avons croisé des mineurs mais en fait surtout beaucoup de touristes. Je me suis alors sentie extrêmement mal à l’idée que nous étions, nous, là en dilettante, pendant qu’eux trimaient sous nos yeux comme des malades.  Et à ce moment-là je n’avais pourtant encore rien vu. Je ne les avais pas encore vu peiner en remontant les blocs de soufre du fond du cratère. Une fois en haut du volcan, il faut en effet descendre au fond du cratère pour y extirper les blocs de soufre. La mine est à environ 150 mètres plus bas. Je n’avais surtout pas encore respiré les nuages de soufre qui m’ont brûlé les yeux et piqué la gorge, et cela malgré mon masque à gaz. Je ne suis restée que 10 minutes dans la mine au fond du cratère, et j’ai pourtant trouvé ça insupportable. L’affreuse odeur d’œuf pourri qui se dégage des blocs de soufre et des nuages de gaz n’est rien comparée à la douleur qu’on ressent quand le vent tourne et nous envoie en pleine figure les nuages de soufre. Or eux, doivent casser les blocs de soufre dans ces nuages de soufre et sans masque à gaz. Et tout ça pour trois fois rien. Mille fois j’ai essayé de me mettre à leur place. Mille fois je me suis dit que je ne tiendrais même pas une journée. Mille fois je me suis sentie si mal à l’aise face à ce voyeurisme passif. Comme les autres, je ne pouvais que constater avec compassion la dureté de leurs conditions de travail, tout en passant mon chemin...

Une fois sortie du cratère et parce que notre condition sociale nous permet ce luxe, nous sommes allés admirer le lever du soleil du sommet du volcan. D’un côté, une mer de nuage nous faisait face. De l’autre, le volcan qui en son centre abrite un immense lac d'un bleu turquoise profond. Mais mieux vaut ne pas y tremper les pieds, car c'est le lac le plus acide du monde. Un spectacle grandiose dont il ne fallait pas de perdre une miette.



En redescendant nous avons recroisé les mineurs, qui continuaient sans relâche, tels des fourmis, leur procession vers le cratère. De nouveaux mineurs montaient à vide (sûrement pour leur 2ème tournée de la journée). D’autres descendaient chargés à bloc. Nous les avons vus peser leurs paniers. S’arrêter pour se reposer le dos. Changer sans cesse leurs paniers d’épaules. Mais tout ça sans aucun mauvais regard face à la horde de touristes qui envahissait leur lieu de travail. Ils avaient au contraire toujours un mot gentil et un sourire à notre égard. Jusqu'au bout, ces mineurs de soufre ont forcé notre admiration et nous obligeront à relativiser si l'idée nous prenait, en rentrant, de se plaindre de nos conditions de travail.

Sur la route du retour, nous avons fait un stop, qui était bien révélateur des incohérences et absurdités de notre monde. J’ai en effet bu une tasse du café le plus cher au monde, le café Luwak. Ce café est si prisé qu’il peut s’acheter plus de 1000 US$ le kilo à l’étranger, soit bien plus que 1 000 fois plus cher qu’un kilo de soufre. Qu’a-t-il de particulier ce café ? Ses grains ont été ingurgités et digérés par des civettes, un petit animal qui ressemble à un gros écureuil (cf photo ci-dessous). Comme les civettes ne digèrent pas les grains de café, ils ressortent quasiment intactes dans leurs excréments. Ce café est donc si cher car on le récolte dans leurs excréments ! Les sucs gastriques des civettes auraient en effet bonificateur sur l'arôme du café et lui donneraient un goût si subtil qu’il m’est personnellement passé au-dessus. Par contre, il était tellement fort, qu’il a eu au moins le mérite de me tenir éveillée toute la journée !

Informations pratiques :

Visiter ce site par ses propres moyens est compliqué car le volcan Ijen n’est pas à côté de villes/villages touristiques. De plus, il vaut mieux être muni de masque à gaz si vous voulez descendre dans le cratère. Pour cette visite, nous avons donc booké avec l’agence de notre hôtel à Banyuwangi, pour 175 000 roupies par pers. – hors frais d’entrée - (soit 12€) une visite organisée comprenant le transport aller/retour & la location d’un masque à gaz. 

3 commentaires:

  1. J'ai vu un reportage sur ces mineurs travaillant dans la dernière mine exploitée de cette manière.. Selon le reportage, le tourisme peut leur permettre d'arrondir leurs fins de mois en vendant quelques babioles. Certains ont pu même changer de vie en se reconvertissant dans le tourisme. On peut espérer que le tourisme apporte parfois quelques bonnes choses....

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  2. Effectivement certains vendent des morceaux de souffre assez "jolie" pour 66c/1€ (au poids ça rapporte beaucoup plus). De plus certains autres invitent à les suivre, ce qui fait une petite visite accompagné. Pas de prix annoncé, mais certains demandent 10€, ce qui double le salaire journalier environ.
    Donc oui effectivement le tourisme amène quelques bonnes choses. ceux qui en profite le plus n'est bien entendu pas les porteurs mais les agences de tourisme...

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